[Art] * Ne faut-il pas pour apprivoiser une œuvre, tant elle se terre hors-logos, se comporter avec elle, ainsi qu'on le fait avec un animal farouche, c'est-à-dire par approches successives et sans les errements critiques uniquement destinés à nous conforter dans nos croyances les plus anciennement ancrées.
2024, 21 p. (format leporello sous couverture) / ISBN 978-2-84587-646-0/ Texte de Jean-Marie Gleize sur des œuvres de Gérard Titus-Carmel.
... Devant l’image.
Elle n’appelle aucun commentaire, elle dit ce qu’elle dit en le montrant, et c’est pourquoi (à mes yeux) elle est toujours un peu inquiétante. Je crois ne pas comprendre ce qu’elle annonce, ce qu’elle cache en l’exhibant. Et c’est bien pourquoi je me sens tenu d’y répondre. Pour y découvrir ce que je
ne vois pas, et entrer par des mots (des “phrases” ou suites dépliées de mots et de lignes) dans le secret de sa mémoire. C’est alors que du réseau de gestes et d’objets en attente ou flottant à la sur face de l’eau (de cette page, comme une étendue calme avant la pluie), surgissent les bribes d’un récit que personne (ni moi) ne pourra jamais reconstituer, parce qu’il se décale en apparence, se confond avec les détails les plus invisibles que l’image ne cesse de proposer, ou de suggérer dans le plus grand silence. Ce récit est fait de riens qui vont ou qui doivent se produire, de scènes délibérément tronquées ou très indécises, de circonstances en perte d’équilibre. Du texte qui en résulte on pourrait dire qu’il ne cesse d’effacer l’image dont il est pourtant le double creusé, bougé, accentué, dont il ne cesse de s’éloigner en le pénétrant, auquel il semble étranger et dont cependant il découle... J-MG